Arbres en ville : bienfaits et enjeux
Par Léa Garson.
Savez-vous planter des arbres, à la mode, à la mode… des enjeux écologiques ? La plantation de ces “puits de carbone” en milieu urbain a particulièrement le vent en poupe. Notamment depuis l’accord de Paris de 2015 sur le climat. Pour autant, elle n’est pas toujours réalisée de façon durable et efficace. Sur l’espace public (comme privé), différents principes et contraintes sont à prendre en compte. Voici un mode d’emploi pour que chacun puisse faire pousser des arbres dans sa ville (ou ailleurs), et même, pourquoi pas, des micro-forêts…
1puit de carbone : organisme capable de stocker le CO2. Chaque année, les forêts françaises absorbent environ 70 millions de tonnes équivalent CO2.
Tous les bienfaits des arbres en ville
En parallèle de l’artificialisation massive du territoire – l’équivalent d’un stade de football est bétonné toutes les cinq minutes –, on voit désormais fleurir de nombreux projets de (re)végétalisation des villes. Des potagers sur les trottoirs, des fleurs aux pieds des lampadaires, des arbres fruitiers dans les ronds-points… et maintenant des micro-forêts urbaines. S’agirait-il de recréer des espaces verts pour la promenade du dimanche ? Sûrement, mais pas que. Car les services rendus par les arbres sont multiples. Leur présence en ville pourrait bien être vitale dans les années à venir.
Les contraintes du milieu urbain
Au moment d’introduire des arbres en ville, il faut toutefois prendre en compte certaines considérations. Le développement d’un arbre en milieu urbain est différent de celui d’un arbre en milieu naturel. Les conditions citadines sont plus hostiles. Pollution, températures plus élevées, terre moins riche et plus compacte (volume souvent insuffisant pour le développement des racines), luminosité réduite à cause de la hauteur des bâtiments, sol imperméable et sec, etc. Les interventions humaines, comme notamment l’entretien de la voirie, peuvent avoir des impacts nocifs voire fatals sur les arbres si elles ne sont pas bien réalisées.
Les racines sont une donnée importante à prendre en compte dans la détermination des espèces à planter, afin d’éviter les dégâts sur les réseaux (de circulation, d’eau, de gaz ou encore d’électricité).
Le caractère allergisant des arbres est également un facteur important pour le choix des espèces à planter.
Enfin, la présence d’arbres en zone urbaine implique plusieurs types de prestations régulières, dont le coût est à anticiper. Arrosage, ancrage souterrain et/ou aérien (à l’aide de tuteurs ou de liens), contrôles des pieds (pour vérifier qu’ils ne soient pas endommagés), renouvellement des paillis et autres couvertures de sols, taille (en particulier lors de la formation des arbres), etc. Pour minimiser l’impact financier, il faut privilégier les espèces indigènes (naturellement présentes sur le territoire) – plutôt que l’éternel platane ou cyprès –, car elles sont mieux adaptées au sol, ainsi qu’au climat local, et plus résistantes aux maladies. Elles demandent donc moins de soins et leurs racines sont plus profondes, ce qui les rend aussi plus stables en cas de conditions environnementales extrêmes. De plus, en offrant nourriture et habitat à la faune locale, elles renforcent l’ensemble d’un écosystème qui aura tendance à s’équilibrer plus facilement (recommandation qui vaut aussi pour les jardins !).
Bien choisir les essences à planter
Les guides des essences à planter proposés par les institutions françaises sont rarement exhaustifs et mettent plutôt en avant les espèces économiquement intéressantes (notamment pour l’exploitation forestière). Afin de connaître la liste des espèces indigènes de votre territoire, vous pouvez contacter les réserves naturelles, ainsi que les parcs nationaux et régionaux, qui généralement les répertorient, ou vous rapprocher d’un botaniste.
Pour Hervé Caroff, responsable du pôle forêt du parc national des Cévennes, la meilleure chose à faire est de regarder ce qui pousse dans les espaces sauvages alentours. Au sein d’une même région, comme l’Occitanie par exemple, il peut y avoir des différences en termes de sol, climat, altitude, exposition, etc. et donc d’essences présentes.
Exemple d’espèces présentes en Cévennes, établi avec le parc national :
- Basse altitude (climat méditerranéen) : arbousier, bouleau verruqueux, chêne blanc, chêne vert, cormier, frêne à fleurs, érable à feuille d’obier, érable champêtre, érable de Montpellier, frêne oxyphylle, merisier, noisetier, noyer commun (souvent isolé), pin maritime, pin parasol, pin de Salzmann, saule marsault, tilleul à grandes feuilles, tremble
- Haute altitude (climat montagnard, à partir de 1000 mètres d’altitude environ) : alisier blanc, bouleau verruqueux, érable plane, érable sycomore, frêne commun, hêtre commun, merisier, orme de montagne, sapin pectiné, saule marsault, sorbier des oiseleurs, tilleul à grandes feuilles, tremble
- Entre les deux : on observe d’autres essences comme l’alisier torminal, le châtaignier, le pin sylvestre, le poirier commun ou encore le pommier commun.
Plusieurs arbres allochtones (provenant d’ailleurs) ont été introduits dans les forêts françaises, c’est pourquoi on en trouve également au sein des Cévennes : épicéas, douglas, pins noirs d’Autriche ou encore mélèzes. Si ces espèces sont aujourd’hui bien intégrées, d’autres sont à éviter en France, car elles peuvent vite devenir envahissantes. C’est le cas du robinier dit “faux acacia” (car il n’y a pas d’acacia en France), de l’ailanthe ou encore de l’érable negundo. Pour préserver la biodiversité, il est parfois même interdit de boiser des espaces ouverts (souvent lorsqu’il y a déjà pas mal de forêts autour).
Les limites de la gestion conventionnelle
Sur le plan politique, l’arbre peut vite devenir le compensatoire des émissions carbones et éviter les remises en question visant à les faire diminuer. Côté écologie, en France, la gestion arboricole est plus proche de la monoculture que de la diversité naturelle. L’aspect durable n’est donc pas toujours assuré : pour exemple, plus d’un quart des platanes entourant le Canal du Midi (soit 42 000 arbres !) ont été victimes du chancre coloré, champignon arrivé des États-Unis en 2006. Tous condamnés, la plupart d’entre eux ont été abattus. Les platanes (très populaires sur notre territoire) n’abritent d’ailleurs que deux espèces d’insectes, tandis que les chênes, par exemple, en accueillent plusieurs centaines. Pour ne rien arranger, ils font partie des espèces qui rejettent des composés chimiques volatils, accentuant la pollution de nos activités durant les pics de chaleur.
La présence d’arbres peut ainsi s’avérer contre-productive, d’autant plus lorsqu’elle va de pair avec l’utilisation d’engrais azotés et autres intrants chimiques qui détruisent les sols et les cours d’eau et dont la nocivité pour les humains et autres êtres-vivants est désormais avérée.
Si planter des arbres reste un moyen plutôt simple de végétaliser les villes, il est préférable d’opter pour une meilleure diversité des essences, ainsi qu’une gestion plus consciente des enjeux liés aux arbres.
Article issu du Numéro 3 – Automne 2020 – “Partager”