Entretien : L’hydroponie chez Les Sourciers

Chez les Sourciers, la serre de cul­ture n’est pas tout à fait con­ven­tion­nelle. Ils pra­tiquent en effet le maraîchage en hydro­ponie, tech­nique qui con­siste à rem­plac­er la terre par l’eau.

par | 26 février 2023

Ren­con­tre avec Mar­i­on Sar­lé de la ferme en hydro­ponie Les Sourciers.

Par Julie Laus­sat.


Chez les Sourciers, la serre de cul­ture n’est pas tout à fait con­ven­tion­nelle. Aucun risque de se salir avec la terre… tous les légumes ont les pieds dans l’eau ! Ils pra­tiquent en effet le maraîchage en hydro­ponie, tech­nique qui con­siste à rem­plac­er la terre par l’eau.

L’hydroponie demeure assez con­fi­den­tielle en France. Alors qu’on racon­te qu’elle était présente dans les mys­térieux jardins sus­pendus de Baby­lone, nous avons encore beau­coup de préjugés sur cette cul­ture. En France, où l’on cul­tive la terre de généra­tion en généra­tion, l’hydro­ponie a longtemps eu l’image d’une cul­ture peu écologique, gour­mande en eau et réservée à la cul­ture de plantes inter­dites… Pour­tant, chez Mar­i­on et Nico­las, c’est un petit monde mer­veilleux.

On décou­vre :

  • une tech­nique de cul­ture pointue et respectueuse de l’environnement
  • des légumes savoureux et col­orés qui ravis­sent les chefs de la région
  • et, surtout, Mar­i­on et Nico­las, amoureux de leur micro­ferme aqua­tique

On vous embar­que dans un monde où les plantes se prélassent tran­quille­ment, les racines dans l’eau…

Comment êtes-vous arrivés à l’hydroponie ? 

Com­plète­ment par hasard et pour le plaisir ! À l’époque, nous habi­tions à Buenos Aires. Il était impos­si­ble de faire pouss­er quoi que ce soit sur notre bal­con. Nous avons décou­vert là-bas la cul­ture en hydro­ponie. Nous avons été sur­pris par le goût incroy­able des légumes et des fruits. Notre bal­con est alors devenu, pen­dant deux ans, un vrai lab­o­ra­toire pour nos essais d’hydro­ponie, avec des échecs et des réus­sites. C’était exci­tant d’expérimenter de nou­velles choses très tech­niques ! L’hydro­ponie per­met d’avoir accès aux racines et d’apprendre ain­si beau­coup de choses sur les besoins des plantes. Petit à petit, d’une sim­ple curiosité est né un intérêt per­son­nel. Nous étions émer­veil­lés de faire pouss­er notre nour­ri­t­ure, alors pourquoi ne pas ten­ter une recon­ver­sion !

Notre retour en France a cepen­dant calmé nos ardeurs. L’hydro­ponie était encore peu con­nue ici et l’agriculture hors-sol avait une très mau­vaise image. Nous nous sommes don­né six mois pour lancer notre pro­jet. Puis voir si nous pou­vions en vivre, sinon : retour à nos métiers d’origine !

@Les Sourciers

Comment est né le projet de la ferme Les Sourciers ? 

À l’origine, je voulais plutôt faire de la péd­a­gogie et de la for­ma­tion, afin de faire con­naître l’hydro­ponie en milieu urbain. Cepen­dant, il a rapi­de­ment été clair qu’il fal­lait d’abord rentabilis­er notre pro­jet, le met­tre en pra­tique et appren­dre les dif­férentes tech­niques. Nous voulions installer notre micro­ferme en ville mais c’était sans compter sur les dif­fi­cultés à trou­ver un espace à louer. Nous avons alors atter­ri dans le Gers par hasard. Avec l’opportunité d’y louer une serre, mais tou­jours avec l’idée de revenir en ville ensuite… Depuis, nous sommes telle­ment heureux ici que nous n’arrivons plus à repar­tir !

Comment était vu votre projet dans une région habituée à l’agriculture traditionnelle ?

Au départ, les agricul­teurs nous pre­naient un peu pour des illu­minés. Nous étions vus comme des citadins voulant jouer aux agricul­teurs et beau­coup pen­saient que nous ne tien­dri­ons pas la cadence ! Petit à petit, nous avons ren­con­tré plusieurs d’entre eux et nous leur avons mon­tré que nous tra­vail­lions aus­si dur qu’eux. Beau­coup ont suivi avec atten­tion l’avancée de notre pro­jet. Aujourd’hui, tout se passe très bien ! 

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste l’hydroponie ? 

L’hy­dro­ponie repose sur un principe de base : l’al­i­men­ta­tion de la plante se fait par l’eau. Il y a trois manières dif­férentes de faire de l’hydro­ponie, en fonc­tion du type d’apports en nutri­ments que l’on doit ajouter. Dans tous les cas, cela sup­pose d’apporter des nutri­ments minéraux dans l’eau, mais dans des pro­por­tions dif­férentes selon les tech­niques. 

La pre­mière est ce qu’on appelle com­muné­ment l’hydroponie minérale. Il s’agit d’ajouter unique­ment des minéraux dans l’eau, en fonc­tion des besoins pro­pres à chaque var­iété. La deux­ième tech­nique repose,en com­plé­ment de l’apport minéral, sur les nutri­ments organiques grâce au tra­vail des bac­téries : c’est la bio­ponie. Enfin, la troisième méth­ode, plus sur­prenante et plus com­plexe, fait inter­venir des pois­sons qui appor­tent les nutri­ments organiques néces­saires dans l’eau. Pour cette tech­nique d’aquaponie, l’ap­port en nutri­ments minéraux est beau­coup plus faible.

@Les Sourciers

Quelles variétés cultivez-vous à la ferme ?

Tout est pos­si­ble mais la tech­nique est par­ti­c­ulière­ment adap­tée aux plantes à crois­sance rapi­de et aux légumes feuilles. Nous cul­tivons notam­ment des aro­mates, des tomates, des fleurs comestibles et des micro-pouss­es. L’avantage de l’hydro­ponie est l’absence d’une grande par­tie des insectes ravageurs et de con­tact des fruits avec le sol. Nos pouss­es ont ain­si de très bonnes qual­ités visuelles et nutri­tives, nos chefs gas­tronomiques sont ravis ! Nous avons aus­si une par­tie de la serre dédiée à la cul­ture en terre. Notam­ment pour notre pro­pre autonomie ali­men­taire, mais aus­si pour cul­tiv­er les plantes mères de cer­taines herbes aro­ma­tiques. Nos sys­tèmes hydro­poniques sont fer­més l’hiver. Il faut alors recom­mencer à zéro, chaque année, mais cela nous per­met de con­serv­er de pré­cieux moments de repos.

L’hydroponie a parfois mauvaise presse, on l’assimile souvent à la culture hors-sol conventionnelle… Peux-tu nous en dire plus ? 

Il y a autant de bonnes et de mau­vais­es manières de faire de l’hydro­ponie que de cul­tiv­er la terre. Une exploita­tion d’hydro­ponie en sys­tème fer­mé con­somme beau­coup moins d’eau et de solu­tions nutri­tives qu’en agri­cul­ture clas­sique. Les apports en nutri­ments sont effec­tués à la pipette. Nous sommes très loin des tonnes de nutri­ments util­isées dans d’autres mod­èles. Notre serre con­somme env­i­ron deux cents mètres cubes d’eau à l’année, soit moins que notre con­som­ma­tion per­son­nelle à la mai­son !

Il y a aus­si des con­tro­ver­s­es liées à l’utilisation des nutri­ments minéraux. S’ils ne posent pas de soucis pour notre san­té, il y a bien des inter­ro­ga­tions quant à leurs orig­ines et à leur mode d’extraction. Nous avons beau­coup de dif­fi­cultés à avoir des don­nées pré­cis­es. Cer­tains sont créés en lab­o­ra­toire, d’autres ont des procédés d’extraction peu écologiques…. C’est une prob­lé­ma­tique sur laque­lle nous espérons qu’il y aura plus de trans­parence à l’avenir.

@Les Sourciers

Peut-on se lancer dans l’hydroponie sur notre balcon ? 

Oui, bien sûr ! C’est chou­ette à expéri­menter et à bricol­er. Il est par exem­ple assez sim­ple de con­stru­ire un petit sys­tème de radeau flot­tant avec du matériel récupéré. Dans une caisse en plas­tique opaque, il suf­fit de dépos­er une plaque de poly­styrène et d’y faire des trous pour y installer des petits godets. Il faut prévoir un sub­strat rem­plaçant la terre, comme des billes d’argile, pour tenir la plante en place dans le godet. Pour oxygén­er l’eau, il est pos­si­ble d’installer un bulleur d’aquarium ou seule­ment de tapot­er l’eau avec la main de temps en temps. Pour la nutri­tion, il vaut mieux se fournir dans un grow­shop. Afin de trou­ver une solu­tion de nutri­tion minérale prête à l’emploi. Côté plantes à tester, je con­seille sou­vent de com­mencer avec les salades ou avec le basil­ic, surnom­mé “la bombe de l’hydroponie” tant il est savoureux avec cette tech­nique !

Atten­tion ! Si vous voulez faire repouss­er vos légumes dans l’eau à la mai­son, l’eau du robi­net ne con­tient pas assez de nutri­ments pour per­me­t­tre de faire une vraie cul­ture en hydro­ponie. Le légume con­tin­uera à pouss­er unique­ment avec les nutri­ments qui lui reste. Il est plus effi­cace de les planter en terre ou d’opter pour des salades à couper.

Comment vois-tu l’hydroponie dans vingt ans ? 

J’espère qu’elle ne servi­ra pas d’excuse pour pol­luer les sols. En aucun cas, cette tech­nique ne doit venir rem­plac­er la cul­ture de la terre. Cepen­dant, c’est une des solu­tions aux enjeux cli­ma­tiques car elle per­me­t­tra de main­tenir des cul­tures dans cer­taines régions où l’eau manque et où les sols sont trop pol­lués. Il est impor­tant de dévelop­per l’hydro­ponie en France ou en Europe pour en faire un ter­rain d’expérimentation et faciliter ensuite sa pro­mo­tion dans les pays qui en ont besoin.

Infos : Les Sourciers 

Arti­cle issu du Numéro 2 – Été 2020 – “Observ­er”

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