Enquête : Plantes vertes et écologie

Plantes vertes et écolo­gie : Veìr Mag­a­zine enquête sur leur orig­ine, leur mode de cul­ture et le gaspillage lié à cette indus­trie.

par | 13 avril 2023

plantes vertes et écolo­gie : Pro­pos recueil­lis par Ali­cia Muñoz


Comme tout ce que nous con­som­mons, nos plantes d’intérieur ont un impact envi­ron­nemen­tal qui ne doit pas être nég­ligé. En cause : leur orig­ine, leur mode de cul­ture et le gaspillage lié à cette indus­trie. Com­ment agir pour des plantes plus vertes ?

Con­traire­ment à une idée reçue large­ment répan­due, acheter une plante d’in­térieur en pot est loin d’être un acte écologique. En matière de plantes orne­men­tales, la France est une cham­pi­onne de l’importation. On estime que seuls 10 % des plantes qui se retrou­vent dans les grandes enseignes ont poussé en France. Plus de 75 % ont tran­sité par les Pays-Bas. Ce pays est la véri­ta­ble “plaque tour­nante” de ce com­merce en Europe. Sa forte tra­di­tion hor­ti­cole et le sou­tien de son État à cette indus­trie (notam­ment via les sub­ven­tions accordées aux ser­res). Cette prob­lé­ma­tique d’importation mas­sive con­cerne aus­si bien les plantes d’in­térieur que les fleurs coupées, les bulbes et les végé­taux d’ex­térieur.

Plantes vertes et écologie : Une industrie qui pollue

Pour bien com­pren­dre l’impact de cette indus­trie, il faut d’abord se rap­pel­er que la très grande majorité des plantes ven­dues pour décor­er nos intérieurs sont des plantes d’origine trop­i­cale. Elles poussent naturelle­ment dans des zones comme l’Amérique cen­trale et l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est ou encore Mada­gas­car. C’est le cas, par exem­ple, des très pop­u­laires mon­steras, pileas et calath­eas.

Décryp­tons alors le bilan car­bone d’une plante trop­i­cale. Du lieu de pro­duc­tion aux points de vente (sou­vent en grande sur­face), de très nom­breux kilo­mètres sont par­cou­rus. Les trans­ports se font qua­si sys­té­ma­tique­ment dans des équipements réfrigérés du fait de la fragilité des plantes. Par ailleurs, le cli­mat et la terre de la Hol­lande, prin­ci­pal expor­ta­teur et impor­ta­teur européen, ne sont pas les plus adap­tés à ces cul­tures. Chauffage des ser­res et util­i­sa­tion de lam­pes pour per­me­t­tre la ger­mi­na­tion toute l’année. Con­som­ma­tion d’engrais et de pes­ti­cides pour assur­er la crois­sance : l’énergie grise, c’est-à-dire l’énergie totale mobil­isée pour pro­duire la plante, est très impor­tante.

“Le trans­port des plants et graines d’origine vers les Pays-Bas par voie aéri­enne ou mar­itime, puis l’exportation des plants cul­tivés dans toute l’Europe est respon­s­able d’émissions de gaz à effet de serre. À cela s’ajoute égale­ment la pol­lu­tion générée par les pots de fleurs, générale­ment fab­riqués en plas­tique, et sou­vent délais­sés après l’achat, lorsqu’on les rem­place par des pots plus esthé­tiques”, détaille ain­si l’agence Edeni, col­lec­tif qui forme les par­ti­c­uliers et les entre­pris­es à un mode de vie plus écologique.

Aucune étude d’impact com­plète n’a été réal­isée au plan glob­al. Cela rend qua­si­ment impos­si­ble de mesur­er avec fia­bil­ité le vol­ume de gaz à effet de serre (GES) émis par cette fil­ière spé­ci­fique de l’industrie hor­ti­cole. Nul doute qu’il est loin d’être nég­lige­able.

Un commerce opaque et peu réglementé

Le con­som­ma­teur est d’autant plus dans le flou que l’étiquetage du pays d’origine n’est pas oblig­a­toire en Europe con­cer­nant le com­merce de plantes. Cer­taines grandes enseignes, comme Botan­ic, ten­tent de lim­iter ce flou en garan­tis­sant que la majorité de leurs achats provient de fil­ières respectueuses de l’environnement en Europe. Mais qu’en est-il du voy­age qui a précédé leur arrivée chez le pépiniériste européen ? Nos recherch­es ont mon­tré qu’aucun rap­port ne recense à ce jour avec pré­ci­sion l’origine des semences et des plants ou bou­tures. Un manque de traça­bil­ité qui est prob­lé­ma­tique face aux attentes de con­som­ma­teurs de plus en plus sen­si­bles au sujet.

De même, les con­di­tions de pro­duc­tion des plantes restent elles aus­si opaques : de nom­breux végé­taux provi­en­nent du Kenya ou d’Amérique du Sud, sans aucune garantie sur les con­di­tions de tra­vail des ouvri­ers. Très peu d’études ou de rap­ports d’associations ont été faits. La traça­bil­ité des pro­duits que l’on peut acheter en grande sur­face est qua­si­ment impos­si­ble. Comme pour beau­coup de domaines, plus il y a d’intermédiaires, plus il est dif­fi­cile pour le con­som­ma­teur de s’y retrou­ver…

plantes vertes

Quelques bonnes pratiques : plantes vertes et écologie

Heureuse­ment, il est en par­tie pos­si­ble de s’assurer d’un mode de pro­duc­tion de la plante respectueux de l’environnement en priv­ilé­giant cer­tains labels. En plus du label AB européen, plus répan­du pour les semences et plants potagers, plusieurs labels ou cer­ti­fi­ca­tions français­es ont fait leur appari­tion au ray­on plantes vertes, notam­ment le label “Plante Bleue”.

Ce dernier con­cerne les hor­tic­ul­teurs et pépiniéristes français engagés dans une démarche de pro­duc­tion respectueuse de l’environnement. En Hol­lande, le label MPS fixe des exi­gences con­cer­nant la con­som­ma­tion de moyens de pro­tec­tion des cul­tures, d’engrais et d’énergie ain­si que l’utilisation respon­s­able de l’eau et des déchets. En attribuant une let­tre de A à C, ce label démon­tre sa volon­té de mesur­er pré­cisé­ment le degré d’engagement des entre­pris­es (agricul­teurs, pépiniéristes, grossistes…) engagées dans la démarche. Le label “Fleurs de France”, dévelop­pé en 2014 par le min­istère de l’Agriculture, cer­ti­fie, quant à lui, que la fleur, la plante, l’arbuste, l’ar­bre ou le bulbe achetés ont été pro­duits sur le ter­ri­toire nation­al. 

De plus, cer­taines enseignes s’engagent pour réduire le vol­ume de déchets, généré notam­ment par les pots en plas­tique. C’est le cas de Botan­ic, qui a créé la pre­mière fil­ière nationale de recy­clage et de val­ori­sa­tion des pots en plas­tique pour les par­ti­c­uliers, avec un nou­veau ser­vice inédit de col­lecte des pots hor­ti­coles disponible dans soix­ante-dix mag­a­sins. Tous les pots rap­portés sont trans­for­més en gran­ulés qui ser­vent à la fab­ri­ca­tion d’une nou­velle gamme de pots 100 % recy­clés. Les pots biodégrad­ables (en ami­don de maïs, fibres de coco ou de riz) ont égale­ment fait leur appari­tion pour cer­taines plantes, comme chez Vive le Végé­tal ou So Eth­ic, même s’ils demeurent rares pour les plantes d’intérieur.

Le problème du gaspillage des plantes vertes

Un autre impact non nég­lige­able de notre con­som­ma­tion de plantes est le gaspillage. Durant le pre­mier con­fine­ment, la plu­part des grandes enseignes pénal­isées par leur fer­me­ture avaient été dans l’obligation de jeter leurs stocks. Mais ce gâchis est loin de se lim­iter à ces cir­con­stances excep­tion­nelles. Dif­fi­cile de ven­dre du muguet en dehors du mois de mai, des ros­es de Noël une fois les fêtes passées, ou même une plante qui serait un peu flétrie ou en fin de flo­rai­son. 

Des grandes enseignes ten­tent de pal­li­er ce prob­lème en adhérant à des ini­tia­tives comme celles de l’application “Too Good To Go”, qui per­met de reven­dre à moin­dre prix les inven­dus ou les invend­ables. Petit à petit, les habi­tudes des mastodontes de la plante changent. 

Mais le gaspillage émane égale­ment de nos pro­pres habi­tudes de con­som­ma­tion. Vous hébergez peut-être déjà chez vous un graphique Calathea lan­ci­fo­lia, un déli­cat Pilea peper­omioides ou encore l’expansif faux philo­den­dron (Mon­stera deli­ciosa). Plus ou moins con­sciem­ment, nos choix sont ali­men­tés par les phénomènes de mode véhiculés par les réseaux soci­aux. Les pub­li­ca­tions sur ces médias propa­gent sou­vent l’idée que la plante verte est avant tout un élé­ment déco­ratif.

L’e‑boutique : Jungle Humaine

Pour Julia Kadri, créa­trice de l’e‑boutique Jun­gle Humaine, le prob­lème vient du fait que le con­som­ma­teur cherche des plantes “par­faites”, comme sur une belle pho­to Insta­gram.

“Dès que les feuilles jau­nis­sent un peu ou que la plante perd de sa superbe ce n’est plus “déco” et on s’en débar­rasse !” Pour éviter ce tra­vers, la jeune entre­pre­neuse envoie sys­té­ma­tique­ment un “Guide du jar­di­nage intu­itif” afin d’accompagner au mieux le con­som­ma­teur dans le soin de ses plantes.

“On préfère sou­vent acheter des plantes trop­i­cales alors qu’en regar­dant autour de nous, en creu­sant un peu la ques­tion, on pour­rait trou­ver des plantes moins ten­dance mais plus résis­tantes et tout aus­si jolies”, sug­gère de son côté Audrey Mar­tineau, gérante de la jar­diner­ie indépen­dante Maÿ, à Bay­onne. C’est le cas, par exem­ple, des bégo­nias, des lier­res et de cer­taines fougères, dont on retrou­ve de nom­breuses var­iétés sous nos lat­i­tudes.

“Tout le para­doxe est que nous souhaitons acheter une plante endémique d’un pays trop­i­cal avec un moin­dre impact… Or, ces plantes sont générale­ment cul­tivées sous ser­res chauf­fées en Europe, boost­ées par les engrais ou directe­ment importées de l’hémisphère sud, où elles sont très sou­vent cul­tivées en mono­cul­ture”, souligne quant à lui Hadrien Fav­role, gérant de la jar­diner­ie mar­seil­laise Akou.

Résul­tat : les plantes ne résis­tent pas tou­jours à ce long périple. Et qui n’a jamais fait cet amer con­stat ? Quelques semaines après l’achat, la plante se met à per­dre de sa superbe ou se retrou­ve assail­lie de par­a­sites. Dans le pire des cas, elle meurt mal­gré un rem­potage et de bons soins, sans que l’on puisse iden­ti­fi­er la cause. 

Une sit­u­a­tion mal­heureuse qui peut toute­fois nous amen­er à remet­tre en ques­tion nos choix de con­som­ma­tion. 

plantes vertes

L’essor des micro-jardineries

Faut-il néces­saire­ment pass­er par la grande dis­tri­b­u­tion pour se pro­cur­er une plante verte ? Fort heureuse­ment, la réponse est non. Opter pour les “micro-jar­diner­ies” ou “jar­diner­ies éthiques” peut être une par­tie de la solu­tion. Ces bou­tiques sont en plein essor, notam­ment depuis la crise san­i­taire, qui a sus­cité des envies de recon­ver­sion. En principe, ces mag­a­sins font davan­tage d’efforts pour se fournir auprès de pépiniéristes et hor­tic­ul­teurs locaux ou français pour tout ou par­tie de leurs stocks, ce qui per­met de min­imiser l’impact envi­ron­nemen­tal tout en réduisant le nom­bre d’intermédiaires. Pour vous en assur­er, n’hésitez pas à pos­er la ques­tion lors de votre vis­ite en bou­tique.

“L’idée d’une micro-jar­diner­ie est de réduire au max­i­mum l’impact envi­ron­nemen­tal de nos plantes en sélec­tion­nant prin­ci­pale­ment des plants issus de pro­duc­teurs de prox­im­ité”, explique Audrey Mar­tineau, gérante de Maÿ. Afin d’inciter sa clien­tèle à mieux com­pren­dre les plantes, elle cherche égale­ment à trans­met­tre une vision holis­tique du jar­di­nage. “J’aimerais con­stituer une grain­othèque avec des semences récoltées au Pays basque, mais aus­si ven­dre des pots, du com­post, des sub­strats et mélanges de ter­reaux con­fec­tion­nés par des acteurs locaux”, détaille-t-elle.

Hadrien Fav­role et sa com­pagne Anaïs Kauf­fer priv­ilégient eux aus­si la vente de plantes, pots et sub­strats pro­duits dans leur région d’implantation, Provence-Alpes-Côte d’Azur.

“Dès le départ, nous avions la volon­té de tra­vailler en direct avec les pro­duc­teurs de plantes. Nous avons écumé les salons et foires aux plantes, ce qui nous a per­mis d’identifier des pépiniéristes par types de plantes (cac­tus, plantes trop­i­cales, méditer­ranéennes, etc.).”

Le cou­ple se fixe alors comme critère de pou­voir s’y ren­dre en moins de deux heures en voiture depuis Mar­seille. Un critère dif­fi­cile à respecter dans le cadre d’un com­merce aus­si glob­al­isé où la plu­part des bou­tures et plants tran­si­tent par la Hol­lande.

Et le commerce de plantes en ligne ?

Julia Kadri déplore égale­ment cette dif­fi­culté. Elle a décidé de lancer son com­merce en ligne de plantes vertes suite à la crise san­i­taire. Con­sciente de l’impact négatif du com­merce en ligne sur l’environnement lié notam­ment au trans­port, aux embal­lages non réu­til­is­ables et à la pol­lu­tion numérique, elle était soucieuse de pro­pos­er une offre dif­férente. Pour “com­penser” ces impacts, Julia Kadri opte pour un sys­tème de pré-com­mande et lim­ite ses stocks au max­i­mum. Elle s’engage égale­ment à tra­vers le choix des plantes qui com­posent ses “jun­gles d’intérieur”.

“L’idée de Jun­gle Humaine est de regrouper trois plantes d’intérieur selon leurs besoins en lumi­nosité et dont on a ten­té de min­imiser l’impact”, résume Julia Kadri.

Si l’offre disponible sur le site est com­posée de plantes cul­tivées aux Pays-Bas, l’entrepreneuse s’assure de leur cer­ti­fi­ca­tion MPS‑A par leur pro­duc­teur, ce qui équiv­aut à la plus haute cer­ti­fi­ca­tion envi­ron­nemen­tale dans le secteur hor­ti­cole. Elle envis­age à terme le lance­ment d’une offre 100 % française.

“Ce n’est pas impos­si­ble de ne s’approvisionner qu’en France mais beau­coup plus com­pliqué et coû­teux pour les plantes trop­i­cales. De manière générale, un grand flou existe dans la pro­fes­sion quant à la prove­nance et au mode de cul­ture de ces plantes”, estime la gérante de l’e‑boutique.

Actuelle­ment, elle tra­vaille avec deux four­nisseurs français pra­ti­quant l’agriculture bio et raison­née. “Nous avons une offre de plantes d’extérieur, les “Bien­faitri­ces”, qui sont cul­tivées dans la Drôme dans des ser­res non chauf­fées et donc en accord avec les saisons”, pré­cise-t-elle.

En Europe, l’hiver reste un frein à la cul­ture de plantes trop­i­cales. Toute­fois, cer­tains pépiniéristes français s’y met­tent à la belle sai­son, cul­ti­vant alo­casias, bananiers ou encore aloe vera… Le signe qu’une relo­cal­i­sa­tion de la fil­ière est peut-être pos­si­ble.

Mar­ques et points de vente cités dans l’article :

Maÿ jar­diner­ie : 24, rue Sainte Cather­ine, Bay­onne

Akou : 56, rue de Bruys, Mar­seille 5

Société pro­tec­trice des végé­taux : 14 rue Crépet, Lyon 7

Alma Grown in Town : 17 rue Keller, Paris 11

Jun­gle Humaine : www.junglehumaine.com 

Botan­ic : www.botanic.com 

Vive le végé­tal : www.vivelevegetal.com So Eth­ic : www.lepoethic.com

Arti­cle issu du Numéro 8 — Hiv­er 2021 — “Créer”

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